Le XVII^ème siècle est connu comme le « Grand Siècle ». Il le fut aussi au plan religieux. Alors que la réception du Concile de Trente portait ses fruits et que la paix était revenue entre catholiques et huguenots, la vie cistercienne était travaillée par un mouvement de réforme. Certains voulaient retrouver la ferveur et les usages mis à mal par les difficultés des temps précédents : ce fut le mouvement dit de l'Etroite Observance.

Bientôt ils furent rejoints par un homme au tempérament de feu, Armand-Jean Le Bouthillier de Rancé (1626-1700), issu d'une famille d'avocats qui s'étaient fait une place dans le gouvernement de Richelieu. Le jeune homme, qui possédait l'abbaye de La Trappe en commende (pour le bénéfice qu'il lui rapportait), commençait une brillante carrière ecclésiastique et mondaine, quand il vécut une soudaine conversion et se retira du monde, au printemps 1656.

Après six années d'une difficile recherche - que faire de sa vie, que faire qui en vaille vraiment la peine ? - il renonça à tous ses biens et entra comme moine dans son abbaye, dont il fut béni abbé en 1664, imprimant à sa communauté son zèle pour Dieu et pour une pratique "authentique" de la Règle de Saint Benoît et des traditions de l'Ordre, mettant à son service une très grande connaissance des Pères de l'Eglise et du monachisme antique. Son interprétation de la Tradition ne fit toutefois pas l'unanimité.

Pour autant, il ne laissa pas de fasciner ses contemporains par son zèle pour Dieu, et par une brûlante charité, malheureusement bien plus perceptible dans les rencontres privées et dans sa correspondance que dans ses prises de positions publiques. Les vocations affluèrent, beaucoup repartirent faute de pouvoir soutenir durablement un style de vie aussi exigeant. Les épreuves ne manquèrent pas non plus. Mais à la fin du XVIII^ème siècle, pourtant particulièrement peu favorable à la vie monastique, la communauté de La Trappe était toujours aussi fervente, tonique, unie, et une des plus nombreuses de France.